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DOUCES AMIES

encore. Tu n’es plus la silhouette qui passait au hasard, promeneuse coquette si joliment vêtue d’un costume nébuleux ; mais l’amoureuse, tendre, couchée sur des velours brouillés, alanguie dans de blancs flocons de neige, des dentelles, bacchante vaporeuse, imprécise, légèrement estompée — pareille à ces vieux pastels dont le temps dispersa les poudres, les couleurs : l’œil ne distingue pas tout d’abord le dessin, mais à la longue il retrouve des formes, des reliefs, reconstitue le corps de la Nymphe qui se baigne, à la source, sous les arbres épais…

À toute heure du jour, mes rêves sont hantés par toi, ma très aimée… Quand je suis par les rues, j’espère que je vais t’apercevoir enfin : ne me cherches-tu pas aussi, à la même heure ?

Des décors plus charmeurs m’attirent. C’est là plutôt que j’aimerais te voir pour la première fois…

Le Bois, notre grand bois parisien, cet automne, a des aspects nouveaux, presque mythologiques. Je sais des coins jolis, loin des allées trop foulées, trop piétinées ; les jeunes acacias y font pleuvoir, le matin, avec les gouttes de rosée, des feuilles mortes qui sont encore vertes ; quelques chênes découpent, sur le fond bleu du ciel, leurs dernières frondes d’or, artistement déchiquetées ; et des ruisseaux serpentent, lentement ; et des