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DOUCES AMIES

Maudit ce temps perdu, où nos âmes, nos chairs se cherchent, se poursuivent et parfois désespèrent de se trouver jamais…

Temps perdu !… Non… Ces heures d’attente qui paraît si longue, d’espoir qui semble inaccessible, ces heures de prélude nous préparent des joies indicibles, nous accumulent des trésors d’amour, nous font une réserve inépuisable de baisers et d’extase.

Oui, toutes ces caresses, qui le jour et la nuit voudraient éclore et s’épandre, elles demeurent dans les sillons profonds et fermés de nos cœurs, dans les guérets brûlants et bouillants de nos corps, pour s’épanouir avec abondance, dès le jour fortuné où ta main se tendra vers la mienne, où tes lèvres éclateront, ainsi qu’un bouton de rose.

Comme il sera exquis notre roman d’amour !

Mais ne trouves-tu pas qu’il est aujourd’hui délicieusement vivant, et passionnant, et troublant, — troublant surtout avec son mystère, ses rêves, — rêves hantés de tant de baisers, de frissons, d’extases qui ne s’achèvent pas et gardent toute leur fougue ?

Dans la brume indécise et crépusculaire où je t’ai déjà vue, ou devinée plutôt blonde, idéalement blonde, — ou brune aux chairs très mates — ou rousse fleur d’automne — je te revois