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« L’enfance », dit Milton, « montre l’homme comme le matin montre le jour. » L’enfant représente aux hommes leurs expériences premières, et supplée ainsi à une lacune de notre éducation, nous rend capables de revivre l’histoire inconsciente avec une sympathie si vive, qu’elle en fait presque une expérience personnelle.

Rapidement — presque trop rapidement pour la curiosité attentive des parents contemplant le charme des boucles, des fossettes et des mots estropiés — le petit parleur devient un jeune garçon. Il marche quotidiennement au milieu de merveilles : le feu, la lumière, les ténèbres, la lune, les étoiles, les meubles de la maison, le cheval d’étain rouge, les domestiques, qui comme de rudes nourrices, sympathisent avec lui et l’élèvent, les visages qui réclament ses baisers, l’absorbent à tour de rôle ; cependant, ardent, gai, et de bon appétit, le petit souverain les subjugue sans le savoir ; la science nouvelle entre dans la vie du présent et devient un moyen d’en acquérir davantage. La rose épanouie est un événement nouveau ; le jardin plein de fleurs est de nouveau le Paradis pour le petit Adam ; la pluie, la glace, la gelée, font époque dans son existence. Quelle fête est la première neige où l’on permet à « Deux-petits-Souliers » d’aller dehors !

Quel art pourra dans l’avenir peindre ou embellir les objets avec cet éclat que la Nature donne aux premières bagatelles de l’enfance ! Saint-Pierre ne peut avoir sur nous le pouvoir magique que possédait la couverture rouge et or de notre premier livre d’images. Comme, même à présent, l’imagination s’attache aux éclatantes splendeurs de ces choses de