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sant à suivre. Le Gouvernement était assez bien représenté. Il se montra absurde, mais il avait une volonté, la situation la plus forte, et s’y tint jusqu’au bout. Le rôle du juge dépassait sa préparation ; cependant, sa position restait solide : il était là pour représenter une grande réalité — la justice des États qu’il pouvait aisément voir planer au-dessus de sa tête, et que ses propos inutiles n’atteignaient nullement et ne pouvaient retarder, puisqu’il n’avait que des intentions droites.

L’exposé du fait s’efface cependant devant l’exposé de la loi, lequel exige des talents infiniment supérieurs, et est un don des plus rares, une seule et même chose chez tous les grands maîtres — rien de technique chez les hommes de loi, mais toujours quelque élément de sens commun, intéressant également les profanes et les professionnels. Le mérite de Lord Mansfield est celui du sens commun. C’est la même qualité que nous admirons chez Aristote, Montaigne, Cervantes, Samuel Johnson, ou Franklin. Son application aux matières de droit semble tout à fait accidentelle. Chacun des jugements célèbres de Mansfield renferme une ou deux phrases qui atteignent le but. Les phrases ne sont pas toujours achevées pour le regard, mais elles le sont pour l’esprit. Il enchevêtre ses phrases, mais il énonce une proposition solide, il trace une juste démarcation. Elles procèdent d’un sain entendement et atteignent l’entendement sain ; et j’ai lu avec surprise qu’aujourd’hui les avocats de cabinet souriaient de ces « jugements équitables », comme s’ils n’étaient pas aussi de doctes jugements. C’est là réellement la raison d’être du discours — exposer les