vérité — une réalité de la vie humaine bien connue — nous regarde en face à travers tous les déguisements qu’on lui a mis, qui fait l’intérêt des tribunaux pour le spectateur intelligent.
Je me rappelle avoir été, il y a longtemps, attiré au Tribunal par la supériorité des défenseurs, et l’importance locale de la cause. Le prisonnier avait pour défenseurs les hommes de loi les plus forts et les plus habiles de la République. Ils poussèrent le procureur de l’État dans ses derniers retranchements, lui détruisant ses raisons, et le réduisant à se taire, mais non à céder. Serré de trop près, il se vengea à son tour sur le juge en demandant au Tribunal, d’expliquer ce que c’était qu’un sauvetage. Le Tribunal, ainsi acculé, essaya de se tirer d’embarras par des mots, et dit tout ce qui lui passait par l’esprit pour remplir le temps, imaginant des exemples, expliquant les devoirs des assureurs, des capitaines, des pilotes, des divers officiers de marine qui existent ou pourraient exister — comme un écolier embarrassé par une règle difficile lit le contexte avec insistance. Mais tout ce flot de paroles ne servant pas à la seiche, ce terrible requin de procureur de district étant toujours là, attendant sévèrement avec son : « Il faut que le Tribunal donne une définition » — le pauvre Tribunal allégua son incompétence. Dans le cas présent, c’était au Tribunal supérieur à fixer la jurisprudence, et il lut piteusement tout haut les décisions de la Cour suprême, mais les lut à des gens sans pitié. À la fin, le juge fut forcé de formuler quelque chose, et les avocats sauvèrent leur filou grâce aux brouillards de la définition. Les parties étaient si bien distribuées et différenciées, que le jeu était intéres-