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manière, l’aisance avec laquelle il le faisait, comme en se jouant et informant seulement tout le reste de l’auditoire, était puissamment élégante[1]. »

Cet antagonisme entre l’orateur et l’événement est inévitable, et l’événement cède toujours à l’éminence de l’orateur, car un grand homme est le plus grand des événements. Naturellement, l’intérêt des auditeurs et celui de l’orateur vont de pair. Tout n’est bien pour eux que quand son influence est complète ; alors seulement ils sont satisfaits. Il consulte particulièrement ses forces en choisissant son thème, au lieu de l’accepter. S’il essayait d’instruire les gens de ce qu’ils connaissent déjà, il échouerait ; mais en les informant de ce qu’il sait, il a à tout moment l’avantage sur l’auditoire. La tactique de Napoléon, avançant contre l’angle d’une armée et présentant toujours des forces supérieures en nombre, est aussi le secret de l’orateur.

Les différentes ressources qu’emploie l’orateur, les armes splendides qui servent à l’équipement de Démosthène, d’Eschine, de Démade, l’orateur né, de Fox, de Pitt, de Patrick Henry, d’Adams, de Mirabeau, méritent une énumération spéciale. Nous ne devons pas omettre entièrement la désignation des pièces principales.

L’orateur, comme nous l’avons vu, doit avoir une personnalité réelle. Ensuite, il doit avoir tout d’abord le don de l’exposition — il doit posséder le fait, et savoir le présenter. Dans tout groupe d’individus causant sur un sujet quelconque, l’homme qui est le plus informé gagnera l’attention de l’auditoire, s’il

  1. Journal, I, 169.