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chef » ; et les Éphores dépêchaient Pausanias, Gylippe, Brasidas, ou Agis.

Il est facile de montrer cette personnalité dominatrice par ces exemples de soldats et de rois ; mais il est des hommes du genre de vie le plus tranquille et de principes pacifiques qui, partout où ils vont, se sentent aussi manifestement que le soleil de juillet ou la gelée de décembre — des hommes que l’on entend lorsqu’ils parlent, bien qu’ils ne parlent qu’en un murmure — des hommes qui, lorsqu’ils agissent, agissent avec efficacité et ce qu’ils font, on l’imite ; et l’on peut en trouver des exemples en des sphères très humbles, aussi bien qu’en des sphères élevées.

Dans les pays depuis longtemps civilisés, on met un haut prix aux services des hommes qui sont arrivés à une supériorité personnelle. Celui qui veut faire aboutir quelque chose doit payer non un procureur habile, mais un maître. Il est en Angleterre un avocat qui passe pour avoir gagné trente ou quarante mille livres sterling per annum, en soutenant les droits des compagnies de chemins de fer devant les commissions de la Chambre des Communes. Ses clients ne paient pas tant pour ses connaissances légales que pour ses qualités viriles, son courage, sa conduite, et une position sociale prépondérante qui lui permettent de faire écouter leurs réclamations et d’en faire tenir compte.

Je sais très bien que chez notre peuple froid et calculateur, où chacun monte la garde autour de soi-même, où s’échauffer, s’effrayer et s’abandonner sont choses tout à fait inadmissibles, il règne un grand scepticisme à l’endroit de cette influence extraordinaire. Parler d’un esprit dominateur éveille