que vous le mettiez, il commandait et voyait sa volonté s’accomplir ». Jules César dit à Métellus, quand ce tribun intervint pour l’empêcher de pénétrer dans le trésor de Rome : « Jeune homme, il m’est plus facile de vous mettre à mort que de dire que je le veux » ; et le jeune homme céda. Il avait été pris auparavant par des pirates. Que fit-il ? Il se jeta lui-même dans leur vaisseau, s’établit avec eux dans la plus extraordinaire intimité, leur conta des histoires, déclama ; s’ils n’applaudissaient pas ses discours, il les menaçait de les faire pendre — ce qu’il fit plus tard — et en peu de temps, il devint maître de tous ceux qui étaient à bord. C’est là un homme qui ne se laisse pas déconcerter, et par là même n’a jamais à jouer sa dernière carte, mais a une réserve de forces quand il atteint son but. Avec une physionomie sereine, il bouleverse un royaume. Ce qu’on raconte de lui est miraculeux, ou paraît tel. Les hommes lui prodiguent leur confiance, il change la face du monde, et des histoires, des poèmes, de nouveaux systèmes philosophiques surgissent pour l’expliquer. C’est un être qui commande souverainement à toutes ses passions et à tous ses sentiments ; mais le secret de son autorité est plus haut. C’est la puissance de la Nature se répandant sans obstacle du cerveau et du vouloir dans les mains. Les hommes et les femmes sont ses jouets. Où ils sont, il ne peut être sans ressources. « Quiconque peut bien parler », disait Luther, « est un homme. » C’étaient des hommes de cette trempe que les États grecs avaient coutume de demander à Sparte comme généraux. Ils n’envoyaient pas demander de troupes à Lacédémone, mais disaient : « Envoyez-nous un
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