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que les hommes ont un certain degré de profondeur. Si l’orateur émet un sentiment noble, l’attention s’accentue ; un auditoire nouveau et supérieur écoute maintenant, et les auditeurs de la plaisanterie, des faits positifs, des questions de raisonnement, sont réduits au silence et pleins de respect. Il est aussi quelque chose d’excellent en toute assemblée — la puissance de vertu. Les auditeurs sont prêts à être béatifiés. Ils en savent tellement plus que l’orateur — et sont si justes ! S’élevât-t-il aux niveaux les plus hauts, une tablette est là pour chaque ligne qu’il pourrait inscrire. D’humbles gens ont conscience d’une lumière nouvelle ; des cerveaux étroits s’élargissent de sympathies plus grandes — des esprits délicats, longtemps inconnus à eux-mêmes, masqués et étouffés par des circonstances vulgaires, entendent pour la première fois leur langue native, et se précipitent pour l’écouter. Mais tous ces auditoires différents, qui surgissent successivement l’un au-dessus de l’autre pour accueillir la variété des sujets et des tons, sont en réalité composés des mêmes personnes ; il y a plus : parfois le même individu entrera tour à tour activement en chacun d’eux.

Cette diversité d’influences qu’exerce le parfait orateur, et cette diversité d’auditoires qui se trouvent en une seule assemblée, amènent à envisager les degrés successifs de l’éloquence.

La qualité qui est peut-être la moindre chez l’orateur, mais qui en bien des cas a une importance capitale, c’est une certaine vigueur, un certain rayonnement de santé corporelle, ou — le dirai-je ? — une grande puissance de chaleur animale. Quand chacun des auditeurs a le sentiment de constituer à