Page:Emerson - Société et solitude, trad. Dugard.djvu/62

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ment social qui remplit tous les membres, chacun dans sa mesure propre, et particulièrement l’orateur, comme une bouteille de Leyde est chargée de toute l’électricité de la batterie. Nul ne peut observer les visages d’une assemblée excitée, sans s’initier à une nouvelle occasion de peindre en traits de feu la pensée humaine, et ému, on se sent poussé à émouvoir les autres. Que d’orateurs sont là muets, assis en bas ! Ils viennent pour donner satisfaction à cette perception et intuition qu’aucun Chatham et aucun Démosthène n’ont encore contentées.

La Triade galloise dit : « Nombreux sont les amis de la bouche d’or. » Qui peut s’étonner de l’attrait que le Parlement, le Congrès, ou le Barreau exercent sur nos jeunes hommes ambitieux, quand les plus hautes séductions de la société sont aux pieds de l’heureux orateur ? Il a son auditoire à sa dévotion. Toutes les autres célébrités doivent faire silence devant la sienne. Il est le vrai potentat, car les rois ne sont pas ceux qui sont assis sur les trônes, mais ceux qui savent comment gouverner. Les définitions de l’éloquence expriment son attrait pour le jeune homme. Antiphon, le Rhamnusien, un des six orateurs de Plutarque, annonce aux Athéniens « qu’il guérira par des paroles les maladies de l’esprit ». Il n’est pas d’homme dont la prospérité soit si haute ou si sûre que deux ou trois mots ne puissent le décourager. Il n’est pas de calamité que quelques mots justes ne puissent commencer à soulager. Isocrate définissait son art : « le pouvoir de magnifier ce qui était petit et de diminuer ce qui était grand » — définition pénétrante, mais incomplète. Chez les Spartiates, l’éloquence prenait une forme spartiate,