et ils se vengent eux-mêmes de leur silence forcé par une loquacité croissante quand ils retournent au coin du feu.
Les têtes froides sont en de meilleures conditions que celles qui bouent prématurément, et rompent impatiemment le silence avant que leur heure soit venue. Nos assemblées régionales donnent souvent le spectacle d’une sorte d’éloquence de bouilloire rapidement échauffée. Cela rappelle trop cette expérience médicale où une série de patients absorbent des gaz d’oxyde nitrique. Chaque patient manifeste à son tour les mêmes symptômes — rougeur du visage, volubilité, gesticulation violente, attitudes délirantes, parfois des frappements de pieds, une perte inquiétante du sens de la fuite du temps, une jouissance égoïste de ses sensations, et un défaut de perception du malaise des spectateurs.
Platon dit que la punition des sages qui refusent de prendre part au Gouvernement, c’est de vivre sous le gouvernement d’hommes qui ne les valent pas ; et quand on s’abstient de parler, la punition, c’est un regret semblable qui vient à tous les auditeurs — le regret d’entendre des orateurs pires qu’eux-mêmes.
Mais cette passion de parler marque le sentiment universel de la puissance de l’instrument, et combien l’homme est curieux d’en toucher les ressorts. De tous les instruments de musique sur lesquels il joue, une assemblée populaire est celui qui aie plus d’étendue et de variété, et dont, grâce au talent et à l’étude, on peut tirer les plus merveilleux effets. Un auditoire n’est pas la simple addition des individus qui le composent. Leur sympathie leur donne un certain senti-