Page:Emerson - Société et solitude, trad. Dugard.djvu/54

Cette page a été validée par deux contributeurs.

s’accorde bien, comme en entendant un chant parfait, nous avons l’impression d’un organisme spirituel, d’une chose qui avait sa nécessité dans la Nature, qui était une des formes possibles de l’Esprit divin, chose que l’artiste n’a fait réellement que découvrir et exécuter, et n’a point composée arbitrairement.

Ainsi toute œuvre d’art véritable a autant de raison d’être que la terre et le soleil. Le charme le plus vif de la beauté a sa racine dans la constitution des choses. L’Iliade d’Homère, les cantiques de David, les odes de Pindare, les tragédies d’Eschyle, les Temples doriques, les Cathédrales gothiques, les drames de Shakespeare, toutes ces œuvres sans exception ont été faites non pour le divertissement, mais en un profond sérieux, dans les larmes et les sourires des hommes souffrant et aimant.

Envisagée de ce point de vue, l’histoire de l’Art devient intelligible et, en outre, l’une des études les plus attrayantes. Nous voyons comment chaque œuvre d’art a jailli spontanément de la nécessité et, de plus, emprunte sa forme aux grandes indications de la Nature. À ce point de vue, l’origine manifeste de tous les ordres connus d’architecture a quelque chose de grand. C’est l’idéalisation des premières habitations de chaque peuple. C’est sans aucune préméditation que les sauvages ont perpétué leurs grossières habitations primitives. La première forme qu’ils ont donnée à leur maison devait être aussi la première de leurs édifices publics et religieux. Cette forme est devenue immédiatement sacrée aux yeux de leurs enfants et, à mesure que les traditions se sont groupées autour d’elle, chaque génération successive l’a imitée avec plus de splendeur.