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populace qui les exhibe et de la populace qui les regarde. C’est là l’attitude du premier né, la figure de l’homme à l’aurore du monde. Aucune trace de laisser aller, de volupté, de vulgarité ne se voit en ces nobles traits, et ils vous frappent, par un avertissement moral, ne parlant de rien de ce qui est autour de vous, mais vous rappelant les pensées profondes et les plus pures résolutions de votre jeunesse.

C’est là que se trouve l’explication des analogies qui existent entre tous les arts. Ils sont la réapparition d’un esprit unique, travaillant sur nombre de matériaux en vue de nombre de fins temporaires. Raphaël peint la sagesse ; Händel la chante, Phidias la sculpte, Shakespeare l’écrit, Wren la construit, Colomb la met à la voile, Luther la prêche, Washington l’arme, et Watt l’applique à la mécanique. La peinture a été appelée une « poésie silencieuse », et la poésie « une peinture parlante ». Les principes de chacun des arts peuvent se transposer en tous les autres.

Nous avons ici l’explication de la nécessité qui règne dans tout le royaume de l’Art.

Provenant de l’éternelle Raison, une et parfaite, tout ce qui est beau repose sur le fondement de la nécessité. Rien n’est isolé, rien n’est arbitraire dans le beau. Il dépend à jamais du nécessaire et de l’utile. La richesse des couleurs du plumage de l’oiseau, le phénomène de mimétisme que l’on constate chez l’insecte, ont leur raison d’être dans la constitution de l’animal. La convenance est un élément si inséparable de la beauté, qu’on l’a souvent pris pour elle. Plus la forme répond parfaitement à la fin, plus elle est belle. En voyant un noble bâtiment où tout