Page:Emerson - Société et solitude, trad. Dugard.djvu/49

Cette page a été validée par deux contributeurs.

et à Coleridge de la sagesse qu’ils découvrent dans son Hamlet et son Antoine. Et c’est surtout quand il s’agit de génies contemporains que nous éprouvons ce manque de foi. Nous craignons qu’Allston et Greenough n’aient ni prévu ni voulu tout l’effet qu’ils nous produisent.

Nos arts sont des coups heureux. Nous sommes comme le musicien jouant sur un lac, et dont la mélodie a plus de charme qu’il ne l’imagine, ou comme le voyageur surpris par l’écho de la montagne, qui lui renvoie ses propos ordinaires en retentissements poétiques.

En présence de ces faits, je dis que dans toutes les œuvres, même celles des Beaux-Arts, le pouvoir de la Nature l’emporte sur la volonté humaine en tout ce qui concerne les circonstances matérielles et extérieures. La Nature peint la meilleure partie du tableau, sculpte la meilleure partie de la statue, bâtit la meilleure partie de la maison, et prononce la meilleure partie du discours. Car tous les avantages que j’ai mentionnés sont de ceux que l’artiste ne peut produire consciemment. Il s’est appuyé sur eux, il s’est mis en mesure d’être aidé par quelques-uns d’entre eux ; mais il a vu que ses plantations et arrosages attendaient le soleil de la Nature, ou seraient inutiles.

Procédons à l’examen de la loi formulée au début de cet Essai, en ce qui regarde la partie purement spirituelle de l’œuvre d’art.

Dans les arts utiles, et dans la mesure où ils sont utiles, les œuvres doivent se subordonner rigoureusement aux lois de la Nature, de manière à en devenir comme le prolongement, et à n’en être à aucun égard la contradiction ; de même, dans les arts qui