Page:Emerson - Société et solitude, trad. Dugard.djvu/46

Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’air et les vibrations des corps sonores. La vibration d’une corde tendue ou d’un fil d’archal donne à l’oreille le plaisir d’un son agréable, avant même que le musicien ait augmenté ce plaisir par des accords et des combinaisons.

L’éloquence, dans la mesure où elle fait partie des Beaux-Arts, se modifie en raison de la constitution de l’orateur, du ton de la voix, de la force physique, du jeu des regards et de l’attitude. Tout cela est à retrancher du plaisir purement spirituel — à retrancher du mérite de l’Art — et appartient à la Nature.

En peinture, les couleurs brillantes stimulent le regard, avant d’être combinées de manière à représenter un paysage. Dans la sculpture et l’architecture, les matériaux, comme le marbre ou le granit, et en architecture la masse, sont des sources de grands plaisirs, tout à fait indépendants de l’arrangement artificiel. L’art réside dans le modèle, dans le plan ; car c’est là que se dépense le génie de l’artiste, non sur la statue ou le temple. Autant la statue polie de marbre éblouissant est supérieure au modèle d’argile, autant l’impression que font la cathédrale de granit ou la pyramide est plus grande que celle de leur plan ou de leur coupe verticale, autant la beauté qu’ils doivent à la Nature dépasse celle qu’ils doivent à l’Art.

Il y a encore plus à retrancher du génie de l’artiste en faveur de la Nature, que je ne l’ai indiqué jusqu’ici.

Une confusion de sons musicaux produits par une flûte ou une viole, confusion où l’on exécute le rythme de l’air sans qu’aucune des notes soit juste, donne du plaisir à l’oreille non exercée. Une grossière