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une action spirituelle. Relativement à eux-mêmes, l’abeille, l’oiseau, le castor, n’ont pas d’arts, car ce qu’ils font, ils le font instinctivement. Mais relativement à l’Être suprême, ils en ont. Et il en est de même de toute action inconsciente : relativement à l’agent, c’est l’instinct ; relativement à la cause première, c’est l’Art. En ce sens, reconnaissant l’Esprit qui instruit la Nature, Platon a dit avec raison : « Ces choses que l’on dit faites par la Nature, le sont en réalité par l’Art divin. » L’Art est universellement l’esprit créateur. Aristote l’a défini : « Le principe de la chose, sans la matière. »

Si nous nous conformons à la division populaire des œuvres selon leurs fins, nous dirons que, dans ses créations, l’Esprit vise à l’utilité ou à la beauté, et que par conséquent l’Art se divise en arts utiles et en beaux-arts.

Les arts utiles ne comprennent pas seulement ceux qui se rapprochent de l’instinct, comme l’agriculture, l’art de construire, le tissage, etc., mais aussi la navigation, la chimie pratique, l’élaboration de tous ces instruments et moyens grands et délicats dont l’homme s’aide lui-même, comme le langage, les montées, les vaisseaux, le système décimal ; et aussi les sciences, dans la mesure où elles peuvent servir à l’économie politique.

Quand nous réfléchissons au plaisir que nous donnent un vaisseau, un chemin de fer, un bassin d’échouage, ou un tableau, une représentation dramatique, une statue, un poème, nous trouvons que l’origine n’en est pas entièrement simple, mais complexe. Nous trouvons que la question : « Qu’est-ce que l’Art ? » nous conduit directement à une autre :