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dans les choses profanes tout ce que nous tenions pour sacré, comme la flamme de l’huile jette une ombre quand elle est éclairée par la flamme de Bude. Les critériums populaires du progrès n’en seront toujours pas moins les inventions et les lois.

Mais s’il est un pays qui à aucun de ces points de vue ne puisse résister à l’examen — un pays où le savoir ne peut se répandre sans encourir le risque des lois de violence ou des décrets d’État — où la parole n’est pas libre — où la poste est violée, les sacs de correspondance ouverts, et les lettres passées au cabinet noir — où on désavoue hors de l’État les dettes publiques et privées — où l’on attaque la liberté dans l’institution primordiale de la vie sociale — où la position de la femme nègre porte injurieusement atteinte à la position de la femme blanche — où les arts sont tous importés, sans vie indigène — où le salaire que le travailleur a gagné de ses propres mains ne lui est pas assuré — où le vote n’est ni libre ni équitable — à tous ces points de vue le pays n’est pas civilisé, mais barbare ; et il n’est pas d’avantages venant du sol, du climat ou du système côtier qui puissent résister à ces dommages homicides.

La moralité et tous les corollaires de la moralité, tels que la justice pour tous les citoyens et la liberté personnelle, sont choses essentielles. Montesquieu dit : « Les pays sont bien cultivés non dans la mesure où ils sont fertiles, mais où ils sont libres » ; et l’observation n’est pas moins vraie, mais plus encore, si au lieu de la culture des terres, il s’agit de la culture des hommes. Que toute l’activité publique de l’État s’applique à assurer le plus grand bien au plus grand nombre, voilà la plus haute marque de la civilisation.