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Président John Adams, en 1825, peu de temps après l’élection de son fils à la Présidence[1]. Ce n’est qu’une esquisse, et la conversation n’eut rien d’important ; mais elle rend compte d’un moment de la vie d’un être héroïque qui, dans l’extrême vieillesse, restait encore droit et digne de sa réputation.

Février, 1825. Aujourd’hui, été à Quincy, avec mon frère, sur l’invitation de la famille de M. Adams. Le vieux Président était assis dans un large fauteuil rembourré, vêtu d’un paletot bleu, d’une culotte noire avec des bas blancs ; une coiffure de coton couvrait sa tête chauve. Nous lui fîmes nos compliments, lui dîmes qu’il devait nous permettre de joindre nos congratulations à celles du pays sur le bonheur de sa famille. Il nous remercia, et dit : « Je me réjouis, parce que la nation est heureuse. Le temps des félicitations et congratulations est presque fini pour moi : je suis surpris d’avoir assez vécu pour avoir eu connaissance de cet événement. Maintenant, j’ai presque vécu un siècle ; [il eut quatre-vingt-dix ans au mois d’octobre qui suivit] j’ai eu une vie longue, fatigante, et agitée. » — Je lui dis : « Le monde estime qu’il s’y est mêlé beaucoup de joie. » — « Le monde », répliqua-t-il, « ne sait pas combien de peines, d’anxiétés, de chagrins, j’ai eu à supporter. » Je lui demandai si on lui avait lu la lettre d’acceptation de son fils. « Oui », dit-il, et il ajouta : « Mon fils a plus de prudence politique qu’aucun des hommes que j’ai connus de mon temps ; il n’a jamais cessé d’être sur ses gardes, et j’espère qu’il conti-

  1. Il n’est peut-être pas inutile de faire remarquer que pour les Américains, ce compte rendu a l’intérêt d’une page d’histoire.