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trois heures de classe, et se répétant, toujours en se caressant la jambe « qu’il devrait se retirer de l’Université et lire les classiques ». Dans le roman de Gœthe, le premier personnage pour la sagesse et l’influence, Makaria, se plaît à se retirer dans la solitude pour s’adonner à l’astronomie et à la correspondance épistolaire. Gœthe lui-même poussa au plus haut point ce perfectionnement de ses travaux. Beaucoup de ses ouvrages restèrent sur le chantier depuis la jeunesse jusqu’à ses derniers jours, et ne reçurent une touche que tous les mois ou tous les ans. Astrologue littéraire, il ne se mettait jamais à un travail qu’au moment heureux où toutes les étoiles le permettaient. Bentley pensait qu’il vivrait probablement jusqu’à quatre-vingts ans — assez longtemps pour lire tout ce qui valait la peine d’être lu — « Et tunc magna mei sub terris ibit imago. » Plus grand encore est le plaisir que les vieillards prennent à achever leurs affaires séculières, l’inventeur son invention, l’agriculteur ses expériences, et tous les hommes âgés à finir leur maison, arrondir leur propriété, mettre leurs titres au clair, ramener l’ordre dans les affaires embrouillées, apaiser les inimitiés, et laisser tout dans le meilleur état pour l’avenir. On doit croire qu’il existe une proportion entre les desseins d’un homme et la longueur de sa vie : il y a un calendrier de ses années, il y en a un aussi de ses œuvres.

L’Amérique est le pays des jeunes hommes, et jusqu’ici elle a eu trop de travail pour connaître le loisir et la tranquillité ; cependant, nous avons eu des centenaires robustes, et des exemples de sagesse et de dignité. J’ai trouvé récemment dans un vieux livre de notes le compte rendu d’une visite à l’ex-