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les jeunes braves se vantaient de leurs exploits, le Peau-Rouge disait : « Mais les gens de soixante ans ont tous ceux de vingt ans et de quarante en eux. »

Un quatrième bienfait de la vieillesse, c’est qu’elle met sa maison en ordre et achève ses œuvres, ce qui pour l’artiste est le plaisir suprême. La jeunesse a un excès de sensibilité ; toute chose brille devant elle et l’attire. On abandonne une occupation pour une autre, et l’année du jeune homme est un monceau de commencements. À la fin des douze mois, il n’a rien à montrer — pas une œuvre complète. Mais le temps n’a pas été perdu. Nos instincts nous poussent à accumuler d’innombrables expériences, qui n’ont encore aucune valeur visible, et que nous pouvons garder deux fois sept ans avant d’en avoir besoin. Les meilleures choses croissent lentement. L’instinct de classer marque un esprit sage et sain. Linné imagine son système et établit vingt-quatre classes de plantes, avant même d’en avoir trouvé dans la nature une seule qui justifiât certaines de ses classes. Sa septième classe n’en a pas. Dans la suite, il trouve avec joie la petite Trientalis blanche, la seule plante ayant sept pétales et quelquefois sept étamines, qui constitue une septième classe conforme à son système. Le conchyliologiste prépare ses vitrines alors qu’il n’a encore qu’un petit nombre de coquilles. Il étiquette des rayons pour les classes, des cases pour les espèces : à l’exception d’un petit nombre, rayons et cases sont vides. Mais chaque année comble quelque lacune, et cela avec une vitesse accélérée à mesure qu’il connaît davantage et devient lui-même plus connu. Un vieux scholar trouve un vif plaisir à vérifier les anecdotes frappantes et les citations qu’il