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fonctions du devoir humain le stimulent et le cinglent en avant, gémissant et murmurant, jusqu’à ce qu’elles soient accomplies. Il a besoin d’amis, d’occupations, de savoir, de pouvoir, d’une maison et de terres, d’une femme et d’enfants, d’honneur et de renommée ; il a des besoins religieux, des besoins esthétiques, des besoins domestiques, civils, humains. Un à un, jour après jour, il apprend à transformer ses désirs en réalités. Il a sa profession, sa maison, ses relations sociales, son autorité personnelle, et ainsi, après cinquante années, son âme s’apaise en voyant une sorte d’harmonie entre ses désirs et ses biens. Cette satisfaction, qu’elle offre lentement à chaque aspiration, fait la valeur de la vieillesse. Celui-là est serein qui ne se sent pas à l’étroit et lésé, mais dont la condition, en particulier et en général, lui permet d’exprimer son âme. Chez les personnes âgées qui ont pu ainsi se manifester pleinement, on remarque souvent une belle mine épanouie, permanente, une sorte de complexion de cire indiquant que toute la fermentation des premiers jours s’est apaisée, et transformée en sérénité de pensée et de manières.

Les compensations de la Nature se montrent dans la vieillesse comme dans la jeunesse. En ce monde si chargé et si étincelant de pouvoir, un homme n’a pas une vie longue et active sans de précieuses acquisitions d’expériences qui, bien qu’inexprimées, sont enregistrées dans son esprit. Ce qui pour le jeune homme n’est qu’une conjecture et une espérance, est pour le vétéran une loi assimilée. Il regarde avec complaisance les exploits des jeunes, mais comme quelqu’un qui, connaissant depuis longtemps ces jeux, les a épurés en résultats et moralité. Quand