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atteint le bétail. Tous les hommes au cours de la vie portent en eux à l’état latent le germe de tous les maux, et nous mourons sans qu’ils se développent ; telle est la force positive de la constitution ; mais si, pour une raison quelconque, vous êtes affaibli, quelques-uns de ces germes endormis poussent ou s’épanouissent. Cependant, à chaque stade nous perdons un ennemi. On dit que les gens affligés de maux de tête en sont débarrassés à cinquante ans. J’espère que cette hégira n’est pas une fête aussi mobile que celle que j’attends tous les ans, quand les horticulteurs m’annoncent que les pucerons des roses de nos jardins disparaîtront le dix juillet ; ils restent quinze jours de plus dans le mien. Mais advienne que pourra des migraines — il est sûr que de plus graves souffrances de tête et de cœur se calment pour toujours à mesure que nous atteignons certaines limites du temps. Les passions ont répondu à leurs fins. Cette surcharge légère, mais redoutée, grâce à laquelle la Nature assure en toutes circonstances l’exécution de ses desseins, tombe. Pour retenir l’homme sur la terre, elle lui inspire la terreur de la mort. Pour perfectionner la subsistance, elle met en chacun une certaine avidité à se procurer ce qui est nécessaire à ses besoins, et un peu plus. Pour garantir l’existence de la race, elle renforce l’instinct sexuel, au risque d’engendrer le désordre, l’affliction, la douleur. Pour assurer la vigueur, elle implante dans l’être la faim cruelle et la soif, qui dépassent si aisément leur rôle, et provoquent la maladie. Mais aussitôt qu’ils peuvent être remplacés par des ressorts plus nobles, ces soutiens et expédients temporaires servant à la protection du jeune animal sont rejetés.