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d’Alexandre de Macédoine, de Raphaël, Shakespeare, Pascal, Burns, et Byron ; mais ce sont là des exceptions rares. La Nature, en général, maintient sa loi. L’adresse à faire les choses vient en les faisant ; le savoir vient par les yeux toujours ouverts, et les mains laborieuses ; et il n’est pas de savoir qui ne soit un pouvoir. Béranger a dit : « Presque tous les bons travailleurs vivent longtemps. » Et si la vie est vraie et noble, nous avons une toute autre sorte de vieillards que ces radoteurs moisis, timorés, maussades, qui sont faussement vieux — à savoir, des hommes qui ne craignent aucune ville, mais par qui les villes se soutiennent ; des hommes qui en paraissant dans la rue, voient les gens sortir de leurs maisons pour les contempler et leur obéir : tel « le Cid à la barbe floconneuse », à Tolède ; Bruce, d’après ce que nous en dit Barbour ; ou Dandolo aveugle, élu Doge à quatre-vingt-quatre ans, assaillant Constantinople à quatre-vingt-quatorze ans, victorieux encore après la révolte, élu à quatre-vingt-seize ans au trône de l’Empire d’Orient, qu’il refusa, et mourant Doge à quatre-vingt-dix-sept ans. Nous sentons encore la force de Socrate, « que l’oracle bien avisé déclara le plus sage des hommes » ; d’Archimède, soutenant par son intelligence Syracuse contre les Romains, et valant lui-même plus que toute leur nation ; de Michel-Ange, portant les quatre couronnes de l’architecture, de la sculpture, de la peinture, et de la poésie ; de Galilée, dont Castelli disait au sujet de sa cécité : « Il est éteint le regard le plus noble que la Nature ait jamais fait — un regard qui a plus vu que tous ceux qui viendront après lui » ; de Newton, qui mourut à quatre-vingt-cinq ans, ayant fait autant de décou-