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a été mis en lumière dans la fable de Tithon. En un mot, le credo populaire est que la vieillesse n’est pas déshonorante, mais extrêmement désavantageuse. La vie est une assez bonne chose, mais nous devons tous être contents d’en sortir, et tous seront satisfaits de nous le voir faire.

Il est évident que c’est là chose odieuse. La conviction universelle ne doit pas être ébranlée par des boutades de pompiers et de garçons bouchers surnourris, ou par des craintes sentimentales de jeunes filles qui voudraient conserver sur leurs joues la fraîcheur de l’enfance. Nous savons la valeur de l’expérience. La vie et le talent s’accumulent avec le temps, et celui-là seul qui a accompli quelque chose dans un domaine quelconque mérite d’être entendu sur ce sujet. Un individu ayant de grands emplois et une haute capacité avait coutume de me dire qu’il ne croyait pas qu’un homme eût quelque valeur avant soixante ans ; cela rappelle un peu la décision de certain Club de « Jeunes Républicains », déclarant éligibles tous ceux qui seraient au-dessous de soixante-dix ans. Mais dans tous les Gouvernements, les conseils du pouvoir ont appartenu aux vieillards ; et patriciens ou patres, sénat ou senes, seigneur ou senior, gerousia, le Sénat de Sparte, le « prêtre » de l’Église, et autres termes semblables, tous ces mots désignent simplement des vieillards.

La croyance cynique, la raillerie de la place publique est réfutée par le souhait universel d’une longue vie, et c’est là le jugement de la Nature, confirmé par toute l’Histoire. Nous avons, il est vrai, des exemples de la rapidité avec laquelle des jeunes gens ont achevé de grandes œuvres ; tel est le cas