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une certaine odeur de lainage. Que les effets naturels soient continuellement repoussés, et qu’on leur substitue des arrangements artificiels, c’est le fléau de la vie. Nous nous souvenons d’un temps, dans la première jeunesse, où la terre parlait et où les cieux brillaient ; où un soir, n’importe lequel, un soir d’hiver triste, avec neige et grésil, était assez pour nous ; les maisons semblaient flotter dans les airs. Maintenant, il faut une rare combinaison de nuages et de clartés pour triompher du vulgaire et du mesquin. Que cherchons-nous dans le paysage, les levers et les couchers de soleil, la mer et le ciel ? Qu’est-ce, sinon une compensation à l’étroitesse et à la petitesse des actes humains ? Nous nous baignons dans la lumière, et l’esprit trouve quelque chose d’aussi grand que lui-même. Dans la Nature, tout est vaste et puissant repos. Rappelez-vous ce qui arrive à un enfant de la ville qui va pour la première fois dans les bois, en octobre. Il s’initie soudain à une pourpre, à une splendeur qui réalise pour lui les rêves des romans. Il est le roi qu’il a rêvé être ; il marche sous des voûtes d’or, à travers des bosquets de pourpre, de porphyre et de topaze ; les pavillons succèdent aux pavillons, ornés de guirlandes de vignes, de fleurs, et de rayons de soleil, au milieu des parfums, de la musique et de nombreux appels à ses sens étonnés ; les feuilles clignent de son côté, le piquent et le flattent, et les lointains brumeux tentent ses yeux et ses pas vers des solitudes plus heureuses. Tout ce bonheur, il ne le doit qu’à ses perceptions plus délicates. Le propriétaire du bois n’y voit qu’un certain nombre d’arbres dont la verdure se fane, et dit : « Ils doivent être abattus ; ils