Page:Emerson - Société et solitude, trad. Dugard.djvu/266

Cette page a été validée par deux contributeurs.

un esprit solide ne peut lire mal : dans chaque livre, il trouve des passages qui semblent des confidences ou apartés cachés à tous, et qui s’adressent indubitablement à lui.

La lumière par laquelle nous voyons en ce monde vient de l’âme de l’observateur. Partout où s’est trouvé un sentiment noble, il a fait resplendir autour de lui les demeures et les visages. Que dis-je, les forces de ce cerveau actif sont miraculeuses et sans limites. De là procèdent les formules et les principes par lesquels on agit sur tout le domaine de la matière. Il n’est pas de prospérité, de commerce, d’art, de ville, ou de grande richesse matérielle d’aucune sorte dont, si vous remontez à l’origine, vous ne trouviez la source dans la pensée de quelque individu.

Toute la vie n’est-elle qu’une question superficielle ? Chose curieuse, nos différences d’esprit semblent n’être que des différences d’impressionnabilité, de faculté de saisir de faibles voix et visions, de plus faibles, et d’infiniment plus faibles. Quand le scholar ou l’écrivain s’est épuisé le cerveau à penser et à faire des vers, et va ensuite à la Nature, n’a-t-il jamais découvert que dans l’air que siffle un enfant, dans le chant d’un oiseau, il y a plus de poésie qu’en tous ses produits littéraires ? C’est ce que nous appelons la santé. Qu’y a-t-il d’aussi admirable que la santé du jeune homme ? il a de longues journées parce qu’il a de bons yeux, un sang qui circule rapidement et qui l’empêche d’avoir froid dans les pièces glacées ; il aime les livres qui parlent à l’imagination, et il peut lire Platon enveloppé dans un manteau, en une chambre froide au haut de la maison, dût-il plus tard associer toujours les Dialogues à