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lité à soi-même est indispensable au maintien du monde, au développement et à la gloire de chaque esprit, il est rare de trouver un homme qui croie à sa propre pensée, ou formule ce qu’il a été créé pour dire. Rien n’étonne tant les hommes que le sens commun et la droiture ; de même, rien n’est plus rare en tout homme qu’un acte qui soit sien. Tout travail lui paraît merveilleux, excepté celui qu’il peut faire. Nous ne croyons pas à notre pensée ; il nous faut servir quelqu’un, il nous faut citer quelqu’un ; nous nous passionnons pour ce qui est antique et lointain ; nous sommes flattés par les noms célèbres ; nous importons la religion des autres nations, nous citons leurs lois. Les tribunaux les plus sérieux de ce pays ont peur d’affronter une question nouvelle, et attendront des mois et des années un cas à torturer de manière à en faire un précédent, et à rejeter ainsi sur un groupe plus hardi l’onus d’une initiative. Ainsi nous ne portons pas en nous-mêmes notre propre tribunal, ou l’ignorons ; et parce que nous ne pouvons secouer de nos souliers cette poussière de l’Europe et de l’Asie, le monde semble né vieux ; il semble qu’on ait jeté un sort à la société ; chacun est un emprunteur et un mime ; la vie est factice, et la littérature, une citation ; de là cette dépression d’esprit, cette ride de souci qui marque, dit-on, le front de tout Américain.

Le premier secret du succès est la confiance en soi, la conviction que si vous êtes là, c’est que les pouvoirs de l’Univers vous y ont mis avec un motif, une tâche qui vous est strictement assignée de par votre constitution, et qu’aussi longtemps que vous y travaillerez, vous vous trouverez bien et réussirez.