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hommes de ce tempérament, qui sont d’une importance considérable pour la marche de la vie américaine, et dont nous nous passerions difficilement ; chacun d’eux serait une perte nationale. Mais cet égoïsme gâte la conversation. Ils ne veulent pas en venir avec vous aux expériences. Ils jettent toujours leur cher moi entre vous et eux. Il est évident qu’il leur faudrait une longue éducation pour atteindre à cette simplicité, cette manière d’agir ouverte, qui sont les qualités dont un homme judicieux se soucie le plus chez ses compagnons. La Nature sait comment transformer le mal en bien ; la Nature utilise les avares, les fanatiques, les charlatans, les égoïstes, pour l’accomplissement de ses fins ; mais ce n’est pas une raison pour avoir une meilleure opinion du défaut. La passion du succès soudain est brutale et puérile ; il en est exactement d’elle comme de la guerre, des canons, et des exécutions dont on se sert pour débarrasser le territoire des êtres sauvages, mauvais grossiers, incorrigibles, mais toujours au détriment des conquérants.

Je hais cet Américanisme creux qui espère s’enrichir par le crédit, acquérir des informations par des coups sur les tables, à minuit, apprendre les lois de l’esprit par la phrénologie, obtenir le talent sans étude, la maîtrise sans apprentissage, la vente des marchandises en prétendant qu’elles se vendent, le pouvoir en faisant croire qu’on est puissant, en recourant à un jury élu subrepticement, à un parti politique, à la corruption et à la « répétition » des votes, ou la richesse par la fraude. Ils croient y avoir réussi, mais ils ont quelque chose d’autre — un crime qui appelle un autre crime, et un autre démon