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médical accumule dans son Muséum ses horribles monstres de constitution anormale, et il est des sceptiques mélancoliques, goûtant la pourriture, qui se délectent aux faits épouvantables de l’histoire, aux persécutions, aux inquisitions, aux massacres de Saint-Barthélemy, aux vies démoniaques, aux Néron, César Borgia, Marat, Lopez — aux hommes chez qui tout rayon d’humanité s’est éteint, aux parricides, aux matricides, à tous les monstres moraux. Ce ne sont pas là des faits réconfortants ; mais ils ne troublent pas un être sain d’esprit ; ils exigent de nous une endurance aussi robuste que la puissance qui nous attaque, et un inlassable examen des causes finales. Le loup, le serpent, le crocodile, ne sont pas hors d’harmonie avec la nature, mais deviennent utiles en tant qu’obstacles, dévorateurs de pourriture et pionniers ; et nous devons avoir des vues aussi larges que celle de la Nature pour agir avec les hommes bestiaux, découvrir les besognes de nettoyeurs qui leur sont assignées, et entrevoir dans l’amélioration séculaire de notre planète comment de tels êtres seront un jour inutiles, et disparaîtront.

Il n’a pas appris la leçon de la vie celui qui chaque jour ne surmonte pas une crainte. Je ne désire pas me mettre, ni mettre qui que ce soit, en une position théâtrale, ou l’inciter à singer le courage de son compagnon. Ayez le courage de ne pas adopter le courage d’un autre. Dans notre condition et notre travail propres, il y a pour nous assez d’horizon, de cause et de force de résistance. Et il n’est pas de Credo d’honnête homme, Chrétien, Turc ou Gentil, qui ne le prêche également. Si vous n’avez pas foi en l’existence d’un pouvoir bienveillant au-dessus de