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d’autre effet que de le rendre courtois, de lui faire donner des ordres à ses officiers et à ses hommes sous une forme des plus obligeantes, sans troubler aucunement son esprit ». Chacun a son courage personnel, comme son talent propre ; mais le courage du tigre est une chose, et celui du cheval une autre. Le chien qui dédaigne se battre, se battra pour son maître. Le lama qui portera un fardeau, si vous le caressez, refusera la nourriture et mourra si vous lui donnez des coups. L’impétuosité de l’attaque est une chose, et la tranquille endurance une autre. Il y a un courage de cabinet de travail aussi bien qu’un courage de champ de bataille ; un courage d’attitude dans les réunions privées, et un courage dans les réunions publiques ; un courage qui rend l’individu capable de s’adresser avec autorité à un auditoire hostile, tandis qu’un autre qui affronterait aisément une bouche de canon n’ose pas ouvrir la sienne.

Il y a le courage du marchand dans son commerce, courage grâce auquel il affronte de dangereuses difficultés d’affaires, et l’emporte sur elles. Les marchands reconnaissent autant d’héroïsme dans la conduite d’un homme d’affaires prudent et loyal, que les soldats chez un soldat, et savent également l’apprécier.

Il y a du courage dans la manière dont les maîtres en architecture, en sculpture, en peinture ou en poésie, traitent leur art, chacun d’eux animant comme par de véritables traits de génie l’esprit du spectateur — courage qui toutefois n’implique nullement chez l’artiste l’existence de la bravoure physique. Une certaine quantité de puissance appartient à une certaine quantité de talent. La belle voix va retentis-