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il nous faut adhérer à nos méthodes propres. Toute énergie relève d’une activité conforme au tempérament. Écoutez ce que les femmes disent de l’accomplissement d’une besogne par la seule force de la volonté : il leur en coûte un accès de fièvre. Plutarque raconte que quand la Pythonisse essayait de prophétiser dans le temple de Delphes sans en avoir reçu l’ordre, alors même qu’elle accomplissait les rites habituels et respirait l’air de la caverne en se tenant sur le trépied, elle tombait en convulsions et expirait. Assurément, il y a un courage qui tient au tempérament, un sang guerrier qui aime le combat et ne se sent lui-même que dans la lutte, comme on peut le voir chez les guêpes, les fourmis, les coqs, ou les chats. La même tendance se manifeste chez certaines races d’hommes, et dans toutes les races chez certains individus. Dans toutes les écoles, on trouve certains garçons querelleurs ; dans tous les milieux, des hommes contredisants ; dans toutes les villes, des « bravi » et des matamores plus ou moins bien habillés, des boxeurs, des hommes qui patronnent les combats de coqs et l’arène. Le courage est organique, scientifique, idéal. Swedenborg a laissé sur son roi ce témoignage : « Charles XII de Suède ignorait ce que les autres entendaient par la peur, et ne connaissait pas davantage cette fausse valeur ou audace que provoquent les boissons enivrantes, car il ne but jamais autre chose que de l’eau pure. Nous pouvons dire de lui qu’il eut une vie plus éloignée de la mort que tout autre homme et que, en fait, il vécut davantage. » On a dit du Prince de Condé « qu’alors qu’il n’existait pas au monde d’homme plus violent que lui, le danger dans le combat n’avait