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rent ; ils écrasent les flammes avec des branches de pins et, en creusant avec la houe une tranchée longue, mais étroite, ils limitent à un coin de terre l’incendie qui se serait aisément étendu à une centaine d’acres.

En résumé, le courage consiste à être à la hauteur du problème qui se pose à nous. L’écolier est intimidé devant son professeur par une question d’arithmétique, parce qu’il ne possède pas les simples éléments de la solution dont l’écolier à côté de lui s’est rendu maître. Ces éléments une fois saisis, il est aussi calme qu’Archimède, et procède avec entrain. Avoir du courage, c’est être à la hauteur du problème en matière d’affaires, de science, de commerce, de conseil, ou d’action ; c’est avoir la conviction que les agents contre lesquels on lutte ne vous sont pas supérieurs en force, en ressources ou en esprit. Le général doit éveiller l’intelligence de ses soldats à la perception qu’ils sont des hommes, et que les ennemis ne sont rien de plus. Oui, le savoir est nécessaire, car le danger des dangers, c’est de se faire illusion. Les yeux s’intimident facilement ; et les tambours, les drapeaux, les casques étincelants, la barbe et la moustache du soldat vous ont vaincu bien avant que son sabre ou sa baïonnette ne vous ait atteint.

Mais nous n’épuisons pas le sujet par une légère analyse ; nous ne devons pas oublier la variété des tempéraments, qui modifient chacun la force de résistance. On a remarqué que les hommes de peu d’imagination sont moins timides ; ils attendent d’avoir senti la douleur, tandis que ceux qui sont plus sensibles l’anticipent, et souffrent d’une manière plus aiguë de la crainte de la douleur que de la douleur