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tre sur pied n’importe quelle œuvre de charité publique, à moins d’un dîner à la taverne. Je ne crois pas que nos charités ecclésiastiques allégueraient la même nécessité ; mais dans un club où l’on se réunit pour causer, un dîner est un bon début, car il désarme tous les adversaires, et met le pédantisme et les affaires à la porte. Tous sont de bonne humeur et ont des loisirs, conditions premières pour pouvoir causer ; on rejette la réserve ordinaire, des hommes d’expérience se rencontrent avec une liberté d’enfants et, tôt ou tard, se communiquent tout ce qu’il y a de curieux dans leur expérience.

On exagère facilement les réceptions des Clubs. Sans doute, les soupers de gens d’esprit et de philosophes acquièrent avec le temps beaucoup de renom et d’éclat. Plutarque, Xénophon, et Platon, qui ont célébré chacun un des Banquets de leur cercle, ne nous ont presque pas donné de détails sur le menu ; et l’on peut croire qu’un dîner de taverne quelconque en une telle compagnie était plus apprécié des convives[1] qu’un repas bien meilleur en une société moindre. Les vers d’Herrick à Ben Jonson peignent certainement la chose :

Quand nous avions de ces boissons
Qui nous excitaient sans folie,
Chaque vers qui venait de toi
Surpassait les mets et les vins.

De tels amis rendent le festin agréable ; et je remarque que ce fut lorsque les choses se passèrent heureusement, et que la société se sentit traitée avec hon-

  1. En français, dans le texte.