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quelle affaire en Angleterre ? » — « Oui, Monseigneur », répliqua l’autre, « mais je crois qu’en deux mois, vous comprendriez mieux. » Quand Édouard Ier prétendit que les Écossais le reconnussent seigneur souverain (en 1292), les nobles d’Écosse lui répondirent : « Tant que le trône est vacant, on ne peut faire aucune réponse. » Lorsque Henri III (en 1217) se plaignit de la contrainte que lui faisait subir son peuple, lui demandant la confirmation et l’exécution de la Charte, on lui répondit : « Si nous l’admettions, les guerres civiles ne se termineraient que par l’extirpation d’une des parties contestantes. »

Que pouvez-vous faire avec un de ces êtres aux réponses tranchantes ? Que pouvez-vous faire avec un homme éloquent ? On ne peut imaginer aucune règle de discussion, aucun mépris de cour, aucune exclusion, aucune loi qui bâillonne, que sa première syllabe n’écarte, ne dépasse, ou n’annule. Il se peut que vous interceptiez la lumière, mais pouvez-vous intercepter la gravitation ? Vous pouvez condamner son livre, mais pouvez-vous lutter contre sa pensée ? Elle est toujours trop rapide pour vous, elle vous devance, et éclate victorieuse sur quelque autre point. Pouvez-vous arrêter la marche du bon sens ? Que pouvez-vous faire avec Beaumarchais, qui convertit en un ardent avocat le censeur que le Tribunal avait désigné pour étouffer sa pièce ? Le Tribunal nomme un autre censeur, qui cette fois l’écrasera. Beaumarchais lui persuade de la défendre. Le Tribunal désigne successivement trois enquêteurs plus sévères ; Beaumarchais les convertit tous en défenseurs de la pièce qui amènera la Révolution. Qui