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Un des meilleurs témoignages au sujet du grand Maître allemand qui s’éleva au-dessus de tous ses contemporains dans les trente premières années du xixe siècle, est sa conversation telle que la rapporte Eckermann ; et les Propos de Table de Coleridge sont un des meilleurs monuments de son génie.

Dans les Légendes scandinaves, lorsque les dieux du Valhalla rencontrent les Jotuns, ils conversent à une condition périlleuse : celui qui ne pourra répondre à la question de l’autre donnera sa propre vie en gage. Odin arrive au seuil du Jotun Waftrhudnir, sous un déguisement, s’appelant lui-même Gangrader ; on l’introduit dans la grand’salle et on lui dit qu’il ne pourra sortir à moins de répondre à chaque question que Waftrhudnir posera. Waftrhudnir lui demande le nom du dieu du soleil, et du dieu qui apporte la nuit ; quelle rivière sépare les demeures des fils des géants et les fils des dieux ; quelles plaines s’étendent entre les dieux et Surtur, leur adversaire, etc., toutes questions auxquelles Odin déguisé répond d’une manière satisfaisante. Ensuite vient son tour d’interroger, et pendant un moment le Jotun lui fait de bonnes réponses. À la fin, il pose une question à laquelle lui seul pouvait répondre : « Qu’est-ce qu’Odin a murmuré à l’oreille de son fils Balder, quand Balder est monté sur le bûcher funéraire ? » Le géant surpris réplique : « Aucun des dieux ne sait ce que dans les temps anciens TU as dit à l’oreille de ton fils : la mort sur les lèvres, j’ai prononcé les mots du destin de la génération d’Æsir : j’ai lutté avec Odin avec des paroles sages. Tu dois toujours être le plus sage. »

C’est encore ainsi que l’on connaît les géants et les