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ment les interruptions. Plus tard, quand les livres fatiguent, la pensée a un cours plus languissant, et il vient des jours où nous avons peur, où nous disons qu’il n’y a plus d’idées. « Quel cerveau stérile que le mien ! » s’écrie l’étudiant ; « je vais voir si j’ai perdu mes facultés. » Il cherche des personnes intelligentes, plus doctes ou moins doctes que lui, qui stimulent son esprit, et soudain l’ancien mouvement recommence facilement dans son cerveau : idées, fantaisies, traits d’esprit, tout abonde ; le nuage se dissipe, l’horizon s’élargit, et l’opulence infinie des choses lui est de nouveau visible. Mais il faut observer les conditions voulues. Il doit surtout avoir le droit d’être lui-même. Sancho Pança bénissait l’homme qui avait inventé le sommeil. De même, je prise l’heureux arrangement grâce auquel chaque individu est pourvu de quelqu’un qui est heureux de le voir.

Si les hommes valent moins quand ils sont ensemble que quand ils sont seuls, d’un autre côté, ils s’élargissent à certains égards. Ils s’enflamment mutuellement ; tel est le pouvoir de la suggestion, que chaque récit vivant en provoque d’autres, et parfois un fait qui dormait depuis longtemps dans les replis de la mémoire entend l’appel, est le bienvenu à la lumière, et se trouve être de haute valeur. Tout métaphysicien doit avoir observé non seulement qu’aucune pensée n’est isolée, mais que les pensées vont en général par paires, quoique les pensées connexes ne soient d’abord apparues à son esprit qu’à de longs intervalles. Les choses vont par deux ; un fait matériel n’a que la moitié de sa valeur tant qu’un autre fait d’ordre moral, qui en est la contrepartie, n’est pas énoncé. Alors, ils se confirment et