Page:Emerson - Société et solitude, trad. Dugard.djvu/203

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Nous recherchons la société avec des vues très différentes, et la matière de la conversation diffère largement en ses cercles. Quelquefois, ce sont les faits — allant des nécessités de la vie quotidienne aux derniers résultats de la sagesse — et elle passe par tous les degrés d’importance ; quelquefois, c’est l’amour, et elle est le baume de nos premiers et de nos derniers jours ; parfois, c’est la pensée, comme si la personne n’était qu’un esprit ; parfois, c’est un chant, comme si le cœur se répandait ainsi qu’un oiseau ; quelquefois, c’est une expérience. Avec quelques hommes, c’est un débat ; à l’approche d’une dispute, ils hennissent comme des chevaux. À moins que l’on ne discute, ils pensent que rien ne va. Quelques interlocuteurs excellent dans la précision avec laquelle ils formulent leurs pensées, de sorte que vous emportez d’eux quelque chose dont vous pouvez vous souvenir ; d’autres endorment la critique comme par un charme. Les femmes en particulier emploient des mots qui ne sont pas des mots — comme les pas de la danse ne sont point des pas — mais qui reproduisent l’esprit de ce dont elles parlent, comme le son de certaines cloches nous fait penser simplement à la cloche, tandis qu’au loin les carillons du clocher font surgir devant nous l’Église avec ses graves souvenirs. Les opinions des gens sont fortuites — ont un air de pauvreté. Un homme qui se regarde comme l’organe de ce dogme-ci ou de ce dogme-là est un assez triste compagnon ; mais une opinion propre à l’interlocuteur est chose aimable, réconfortante, et inséparable de son image. Et ce n’est pas non plus toujours pour causer que nous allons trouver les gens. Combien de fois nous ne