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tiples par lesquels le savoir humain a erré, il nous permet de concevoir notre richesse. Un dictionnaire n’est pas non plus un livre inutile à lire. Il n’y a pas d’affectation en lui, pas d’excès d’explications, et il est plein de suggestions — c’est la matière brute de poèmes et d’histoires possibles. Rien n’y manque, qu’un peu d’arrangement, de triage, de lien, et de cartilage. Entre cent exemples, le livre de Cornélius Agrippa Sur la Vanité des Arts et des Sciences est un spécimen de ce besoin d’écrire qui s’était tourné en habitude chez les lecteurs gloutons de son époque. Comme les Allemands modernes, ils lisaient toute une littérature là où les autres mortels ne lisent que quelques livres. Ils lisaient avec voracité, et il leur fallait se décharger ; aussi ils prenaient un sujet général quelconque, comme la Mélancolie, l’Éloge de la Science, ou l’Éloge de la Folie, et écrivaient ou citaient sans méthode et sans fin. De temps à autre, de ce débordement de savoir, surgit une maxime délicate de Théophraste, de Sénèque, ou de Boèce ; mais nulle méthode élevée, nulle influence inspirante. Mais personne n’a le temps de lire uniquement pour un petit nombre de maximes ; elles ne sont bonnes que comme liens entre des mots suggestifs.

Il est une autre classe de livres plus utile à l’âge moderne, parce que les courants de la mode vont maintenant en une autre direction, et nous laissent à sec de ce côté — j’entends les livres « imaginatifs ». Une métaphysique exacte devrait faire leur part aux puissances coordonnées de l’Imagination, de l’Intuition, de l’Entendement, et de la Volonté. La Poésie, avec ses auxiliaires de la Mythologie et de la Fic-