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2o Ne lisez jamais que des livres célèbres. 3o Ne lisez jamais que ce que vous aimez ; comme le dit Shakespeare :

Il n’est point de profit quand il n’est pas de joie :
En un mot, étudiez ce qui vous plaît le mieux.

Montaigne dit : « Les livres sont un plaisir languissant » ; mais je trouve que certains livres ont une force vitale et génératrice, ne laissent pas le lecteur tel qu’il était : en fermant le volume, il se sent enrichi. Je voudrais ne jamais lire d’autres livres que ceux-là. Et au risque de rédiger une liste de vieux classiques et de manuels, je vais tenter d’énumérer le petit nombre de livres dont un lecteur ordinaire doit se servir avec reconnaissance[1].

Parmi les anciens livres grecs, je pense qu’il en est cinq dont nous ne pouvons nous passer. 1o Homère qui, en dépit de Pope et de toute la docte clameur des siècles, a réellement le feu sacré, convient aux esprits simples, est le germe véritable et adéquat de la Grèce, et occupe dans l’histoire une position telle que rien ne pourrait le remplacer. C’est une loi de toutes les littératures que la meilleure histoire est encore la poésie. Il en est ainsi en Hébreu, en Sanscrit, en Grec. C’est par Shakespeare que l’on connaît le mieux l’histoire anglaise, et comme on la connaît par Merlin, Robin Hood, et les Ballades écossaises ! — comme on connaît l’histoire allemande par le poème des Niebelungen — l’histoire espagnole par le Cid !

  1. La liste d’Emerson est peut-être moins intéressante par elle-même, que par ce qu’elle fait entrevoir de la culture américaine dans la seconde moitié du xixe siècle (T.)