Page:Emerson - Société et solitude, trad. Dugard.djvu/175

Cette page a été validée par deux contributeurs.

bataillons d’infanterie, c’est par la règle arithmétique des Permutations et des Combinaisons qu’il faut calculer votre chance de mettre la main sur le livre voulu ; ce n’est pas un choix à faire entre trois cases, mais entre un demi-million de cases toutes pareilles. Mais d’après notre expérience, il arrive que dans cette loterie, on perd au moins cinquante ou cent coups avant d’en gagner un. Il semble donc que si, après avoir perdu beaucoup de temps parmi les livres faux et s’être arrêté à un petit nombre de vrais livres qui l’ont rendu heureux et sage, un esprit charitable voulait nommer ceux qui lui ont servi de pont ou de vaisseau pour le porter sain et sauf par delà les sombres marécages et les océans stériles au cœur des cités sacrées, dans les palais et les temples, il ferait œuvre bonne. Ce sont ces grands maîtres des livres qui apparaissent de loin en loin qui feraient le mieux la chose — les Fabrici, Selden, Magliabecchi, Scaliger, Mirandole, Bayle, Johnson, dont les yeux embrassent tout l’horizon du savoir. Mais des lecteurs particuliers, ne lisant le livre que par amour, nous rendraient service en nous laissant chacun l’indication la plus brève de ce qu’il a trouvé.

Il est des livres ; et il est possible de les lire parce qu’il y en a très peu. Nous jetons en soupirant un coup d’œil aux bibliothèques monumentales de Paris, du Vatican et du British Museum. En 1858, on estimait que le nombre des livres imprimés à la Bibliothèque impériale de Paris s’élevait à huit cent mille, avec un accroissement annuel de douze mille volumes, de sorte que le nombre des livres imprimés existant aujourd’hui peut aisément dépasser un million. Il est