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duits de ce genre ne sont que matière de rebut.

Mais il n’en est pas moins vrai que dans l’expérience privée d’un homme, il est des livres d’une telle importance qu’ils justifient à ses yeux les légendes de Cornélius Agrippa, de Michel Scott, ou du vieil Orphée de Thrace — des livres qui se placent dans notre vie au même rang que la famille, l’amour, les expériences passionnées, tant ils sont toniques, curatifs, révolutionnaires, ont de l’autorité — des livres qui sont l’œuvre et la preuve de facultés si larges, presque si adéquates au monde qu’elles dépeignent que, bien qu’on les enferme avec des ouvrages de moindre valeur, on sent que s’exclure d’eux, c’est accuser sa manière de vivre.

Considérez ce que vous avez dans la plus petite bibliothèque de choix. Une société formée des hommes les plus sages et les plus intelligents que l’on puisse distinguer en mille ans, dans toutes les contrées civilisées, a fixé dans l’ordre le meilleur le résultat de son savoir et de sa sagesse. Ces hommes ont vécu eux-mêmes cachés et inaccessibles, solitaires, impatients de toute interruption, protégés par l’étiquette ; mais la pensée qu’ils ne découvraient pas à l’ami de leur âme est là, écrite en mots transparents pour nous, étrangers d’un autre âge.

Nous devons aux livres ces avantages généraux qui viennent d’une haute influence intellectuelle. Ainsi, je crois que nous leur devons souvent la perception de l’immortalité. Ils communiquent aux forces morales une activité sympathique. Allez avec des gens mesquins, et vous jugerez la vie mesquine. Lisez ensuite Plutarque, et le monde vous semblera un lieu noble, peuplé d’hommes aux qualités réelles, de héros et de