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profondeurs, qui à leur tour se reflètent dans l’œil — l’abîme répondant à l’abîme — sont, à la différence des colliers de verre, de l’argent ou des tapis, choses incommensurablement données à tous.

Ce miracle est jeté dans les mains de tous les mendiants. Le ciel bleu est un vélum pour un marché, et pour les chérubins et les séraphins. Le ciel est le vernis, la couleur glorieuse avec laquelle l’Artiste a brossé tout le travail — les limites ou confins de la matière et de l’esprit. La Nature ne pouvait aller plus loin. Si notre rêve le plus heureux prenait forme en une solide réalité concrète — si une force pouvait ouvrir nos yeux de manière à contempler des « millions de créatures spirituelles errant autour de la terre », — je crois que je verrais cet espace intermédiaire où elles se mouvraient pavé en bas et voûté en haut de cette même profondeur bleue qui s’étend en ce moment au-dessus de moi, lorsque je chemine par les rues pour mes affaires.

Il est surprenant que notre langue anglaise si riche n’ait pas de mot pour désigner la face du monde. Le vieil anglais avait le mot Kinde, terme qui ne recouvrait toutefois que la moitié de la signification de notre belle expression latine avec son futur subtil — natura, sur le point de naître, ou ce que la philosophie allemande désigne par le mot devenir. Mais rien n’exprime cette puissance qui semble travailler pour la seule beauté. Le mot grec Kosmos le faisait ; et c’est pourquoi, avec grande justice, Humboldt a intitulé son livre, qui expose les derniers résultats de la science, Cosmos.

Tels sont les jours — la terre est la coupe, et le ciel l’enveloppe de cette immense libéralité de la nature