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en sulky[1]. Pauvre cœur ! Emporte mélancoliquement cette vérité — il n’est point de coopération. Nous commençons par l’amitié, et toute notre jeunesse se passe à rechercher et recruter la sainte fraternité qu’elle formera pour le salut de l’homme. Mais les étoiles les plus lointaines semblent des nébuleuses ne formant qu’une lumière ; cependant, il n’est point de groupe que le télescope ne parvienne à dissoudre ; de même, les amis les plus chers sont séparés par d’infranchissables abîmes. La coopération est involontaire, et nous est imposée par le Génie de la Vie, qui se la réserve comme une part de ses prérogatives. Il nous est facile de parler ; nous nous asseyons, méditons, et nous nous sentons sereins et complets ; mais dès que nous rencontrons quelqu’un, chacun devient une fraction.

Bien que le fond de la tragédie et des romans soit l’union morale de deux personnes supérieures, dont la confiance mutuelle pendant de longues années, dans l’absence et la présence, et en dépit de toutes les apparences, se justifie à la fin en prouvant victorieusement sa fidélité devant les dieux et les hommes, source de joyeuses émotions, de larmes et de triomphe — bien que cette union morale existe pour les héros, cependant, eux aussi, sont aussi loin que jamais de l’union intellectuelle, et l’union morale n’a pour but que des choses comparativement basses et extérieures, comme la coopération d’une compagnie maritime ou d’une société de pompiers. Mais comme tous les gens que nous connaissons sont insulaires et pathétiquement seuls ! Et quand ils se

  1. Voiture à une place (T.).