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transfusion du sang — qui, à Paris, on l’a prétendu, permet à un homme de changer de sang aussi souvent que de linge !

Que dire de ce simple caoutchouc et de cette gutta-percha dont on fait des conduites d’eau et des pompes stomacales, des cercles pour roues de moulin, des cloches de plongeur, des manteaux imperméables pour tous les climats, qui nous habituent à défier l’humidité, et mettent tout homme sur le même pied que le castor et le crocodile ? Que dire des instruments avec lesquels nous construisons — comme des Kobolds et des enchanteurs — perçant les Alpes de tunnels, ouvrant un canal dans l’isthme armoricain, et pénétrant le désert arabe ? Dans les Massachusetts, nous avons combattu victorieusement la mer avec des bancs de gazon et de genêts — et les étendues de sables stériles soulevés par le vent, avec des plantations de pins. Le sol de la Hollande, jadis le plus peuplé de l’Europe, est au-dessous du niveau de la mer. L’Égypte, où il n’avait pas plu depuis trois mille ans, remercie, dit-on, aujourd’hui Méhemet Ali pour ses irrigations et les forêts qu’il a plantées, auxquelles elle doit les pluies tardivement revenues. L’antique Roi hébreux disait : « Il oblige la colère de l’homme à chanter sa louange. » Et le théisme n’a pas d’argument meilleur que la grandeur des fins obtenues par des moyens insignifiants. La ligne des chemins de fer de l’Ouest, de Chicago au Pacifique, a fait croître les villes et la civilisation en moins de temps qu’il n’en faut pour amener un verger à porter des fruits.

Que dirons-nous de la télégraphie sous-marine, cette extension de l’œil et de l’oreille, dont les