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Les meilleures sont couvertes de bois qu’il ne peut défricher ; elles ont besoin d’un drainage qu’il ne peut entreprendre. Il ne peut labourer, abattre les arbres, dessécher le marais fertile. C’est un pauvre être ; il gratte le sol avec un bâton pointu, vit dans une caverne ou un trou, n’a point de route, sauf le sentier de l’élan et du sanglier ; il vit de leur chair quand il peut en tuer un, de racines et de fruits quand il ne le peut pas. Il tombe, et s’estropie ; il tousse, et a un point de côté, il a la fièvre et grelotte ; quand il a faim, il ne peut pas toujours tuer un sanglier et le manger ; parfois — hasards de la guerre — c’est le sanglier qui le mange. Il se passe du temps avant qu’il puisse bêcher et planter, et d’abord il ne peut cultiver qu’un coin de terre. Plus tard, il apprend que la culture vaut mieux que la chasse, que la terre travaille plus vite pour lui qu’il ne le peut lui-même — travaille pour lui quand il dort, quand la pluie tombe, quand la chaleur l’accable. Le coup de soleil qui le terrasse fait pousser ses blés. À mesure que sa famille se développe et que d’autres planteurs s’installent autour de lui, il commence à abattre les arbres et à défricher de bonnes terres ; et lorsque bientôt il y a plus d’habileté, plus d’outils et de routes, les nouvelles générations sont assez fortes pour défricher les parties, en contre-bas où l’eau qui s’écoule des montagnes a accumulé les meilleures terres, qui rendent cent fois les premières moissons. Les dernières terres sont les meilleures. Il faut la science et un grand nombre d’hommes pour cultiver les meilleures terres, de la meilleure façon. Ainsi la véritable économie politique n’est point étroite, mais libérale, à l’exemple du soleil et du ciel. La