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soleil leurs couleurs brillantes, arrive d’ordinaire un coup de vent qui ravage tout le jardin, et abat les fruits les plus lourds en monceaux écrasés. Le planteur a saisi l’idée qui lui venait des Séquoias, a construit un mur élevé, ou — mieux encore — a entouré le verger d’une pépinière de bouleaux et de plantes toujours vertes. Il a eu ainsi un bassin montagneux en miniature, ses poires sont devenues de la taille des melons, et ses vignes ont couru au-dessous à un demi-quart de mille. Mais cet abri crée un nouveau climat. Le mur qui repousse la brise violente repousse le vent glacé. Le mur élevé, réfléchissant la chaleur sur le sol, donne au terrain une quadruple portion de chaleur solaire

Enfermant dans le jardin clos
Un lac d’air calme et immobile,

et en fait un petit Cuba, tandis qu’à l’extérieur tout est Labrador.

Le chimiste vient tous les ans à son aide en suivant quelque idée nouvelle empruntée à la Nature, et affirme que ce morne espace qu’occupe le fermier est inutile : il concentre son potager en une caisse d’une ou deux perches de long, met les racines dans son laboratoire, les vignes, les tiges, les rejetons, peuvent s’étendre au dehors dans les champs ; il s’occupera des racines dans sa caisse, les gorgera de la nourriture qui leur convient. Plus son jardin est petit, plus il peut l’alimenter, et plus abondante est la moisson. Il nourrit ses dindons de « Thanksgiving[1] »

  1. Jour d’actions de grâces publiques, fixé généralement au dernier jeudi de novembre (T.)