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leur. Comme l’océan est le grand réceptacle de tous les fleuves, l’air est le réceptacle d’où surgissent toutes les choses, et en qui elles retournent toutes. L’air invisible et subtil prend forme et devient une masse solide. Nos sens sont sceptiques, ne se fient qu’à l’impression du moment, et ne croient pas au principe chimique d’après lequel ces énormes chaînes de montagnes sont faites de gaz et d’air mouvant. Mais la Nature est aussi avisée que forte. Elle transforme tous les jours son capital, n’agit jamais avec des sujets morts, mais des sujets vivants. Toutes les choses s’écoulent, même celles qui semblent immuables. Le diamant se transforme sans cesse en fumée. Les plantes puisent dans l’air et le sol les matériaux dont elles ont besoin. Elles sont en combustion, c’est-à-dire exhalent et décomposent leur propre corps qui retourne de nouveau à l’air et à la terre. Les animaux sont en combustion, se consument de même perpétuellement. La terre est en combustion — les montagnes sont en combustion et se décomposent — plus lentement, mais sans cesse. Il est presque inévitable de pousser la généralisation plus haut dans les domaines supérieurs de la nature, de degré en degré, jusqu’aux êtres sentants. Les Nations brûlent du feu intérieur de la pensée et du sentiment, qui détruit pendant qu’il opère. Nous trouverons des combustions plus hautes et du combustible plus noble. L’esprit est un feu : impétueux et impitoyable, il dissout ce merveilleux édifice que l’on appelle l’homme. Le Génie lui-même, étant le plus grand bien, est le plus grand mal. Et tandis que tout se consume ainsi — l’univers en un feu allumé à la torche du soleil — il faut des tempéraments perpétuels, un phlegme, un