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attrayant, crée un bien qu’il ne peut emporter avec lui, mais qui est utile à son pays longtemps après. L’homme qui cultive son jardin aide la société en général d’une façon un peu plus certaine que celui qui se consacre à la charité. S’il est vrai que ce ne sont point par les votes des partis, mais par les lois éternelles de l’économie politique, que les esclaves sont chassés d’un État esclavagiste dès qu’il est entouré d’États libres, le véritable abolitionniste est le fermier qui, sans s’occuper des constitutions et des lois, reste toute la journée aux champs, plaçant son travail dans la terre, et créant un produit avec lequel nul travail forcé ne pourrait entrer en compétition.

Nous prétendons ordinairement que l’homme riche peut dire la vérité, peut se permettre d’être honnête, peut se permettre l’indépendance des actes et des opinions — et c’est là le principe de la noblesse. Mais il s’agit de l’homme riche au sens véritable, c’est-à-dire, non de l’homme qui a de grands revenus et fait de grandes dépenses, mais seulement de l’homme dont les déboursés sont inférieurs aux ressources, et restent fermement maintenus au-dessous d’elles.

Dans les fabriques anglaises, l’enfant qui surveille le métier pour rattacher le fil lorsque la roue s’arrête afin d’indiquer qu’il est brisé, s’appelle un minder. Et dans cette grande fabrique qu’est notre système de Copernic, faisant aller sa machine, ramenant successivement ses constellations, ses saisons et ses marées, amenant tantôt l’époque des semailles et de l’arrosage, tantôt celle du sarclage, de la récolte, des conserves et des provisions — le fermier est le minder. Sa machine a des proportions colossales — le diamètre de la roue hydraulique, les bras du levier, la force