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elle accomplit son œuvre. La leçon que l’on apprend par la pêche, le canotage, la chasse, la culture, c’est celle des procédés de la Nature — la patience en face du vent et du soleil, des retards des saisons, du mauvais temps, de l’excès ou du manque d’eau, la patience en face de la lenteur de nos pieds, de la pauvreté de nos forces, de l’étendue des mers et des terres à traverser, etc. Le fermier se règle sur la Nature, et acquiert cette éternelle patience qui lui est propre. Homme lent et d’esprit étroit, son principe, c’est que la terre doit le nourrir et le vêtir, et il lui faut attendre que sa moisson pousse. Il doit régler ses plaisirs, les libertés qu’il s’accorde, et ses dépenses, sur sa position de fermier, et non sur celle d’un marchand. Il serait aussi faux pour un fermier de dépenser sur une grande et large échelle, que pour des États d’économiser minutieusement. Mais s’il est ainsi gêné d’un côté, il a des avantages qui font compensation. Il est stable, s’attache à sa terre comme le fait le roc. Dans le village où je vis, les fermes restent aux mêmes familles durant sept ou huit générations ; et si les premiers colons (1635) revenaient aujourd’hui dans les fermes, beaucoup les trouveraient aux mains des personnes de leur propre sang et portant encore leur nom. Et il en est de même dans les villages environnants.

Ces durs travaux seront toujours exécutés par une sorte d’hommes ; non par des théoriciens à projets, ni par des soldats, des professeurs, ou des lecteurs de Tennyson ; mais par des hommes d’endurance — à la poitrine solide, à la respiration longue, lents, sûrs et ponctuels. Le fermier a une bonne santé, l’appétit de la santé, et les moyens d’atteindre son but ; il