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ses occupations agréables — l’élevage des abeilles, de la volaille, des moutons, des vaches, le soin de la laiterie, des foins, des fruits, du verger et des forêts, et leur influence sur le travailleur à qui elles donnent une vigueur et une dignité simple, pareilles à la physionomie et à l’air de la nature — sont choses que tous les hommes reconnaissent. Tous les hommes gardent la ferme en réserve comme un asile où, en cas d’infortune, ils viendront cacher leur pauvreté — ou comme une retraite, s’ils ne réussissent pas dans le monde. Et qui sait combien de coups d’œil de remords jettent de ce côté les banqueroutiers du commerce, les plaideurs mortifiés dans les tribunaux et les sénats, ou les victimes de l’oisiveté et du plaisir ! Empoisonné par l’existence et les vices de la ville, le patient se dit : « Mes enfants, à qui j’ai nui, retourneront aux champs pour se refaire et se guérir dans ce qui aurait dû être ma « nursery », et sera maintenant leur hôpital. »

Le fermier a un office précis et important, mais il ne faut pas essayer de le peindre en rose ; vous ne pouvez faire de gracieux compliments à la gravitation et au destin dont il est le ministre. Il représente les nécessités de la vie. C’est la beauté de la grande économie du monde qui lui donne son caractère bienséant. Il obéit aux lois des saisons, du temps, du sol et des moissons, comme les voiles du navire obéissent au vent. Il représente les travaux forcés continuels, d’un bout de l’année à l’autre, et de maigres bénéfices. C’est un être lent, réglé sur la nature, et non sur les montres de la ville. Il marche au pas des saisons, des plantes, et de la chimie. La Nature ne se hâte jamais ; atome par atome, peu à peu,